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Relation de Gabriel Pistollet de Saint Fergeux

 

 

C'est en 1816 que paru ce texte écrit par Gabriel de Pistollet de Saint-Fergeux, médecin à Langres, et envoyé à Monsieur Julien Joseph Virey dans les ANNALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE. TOME I, pages 45 et suivantes.

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" De la chute d'une pierre météorique tombée dans les environs de Langres communiquée à  M Virey par M. Pistollet, médecin de la même ville.

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Votre amour pour les sciences naturelles, et le succès avec lequel vous les cultivez, m'engagent à vous faire part d'un phénomène météorologique qui vient d'avoir lieu dans la commune de Chassigny, village situé, comme vous le savez, au sud-est de Langres, dont il est éloigné de près de quatre lieues.

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Le 3 octobre dernier, environ à huit heures et demie du matin, le temps étant clair et serein, le vent d'est soufflant très légèrement, on entendit dans la commune de Chassigny et les villages environnans, à une distance de trois et quatre lieues, un bruit qui paraissait être dû à de nombreuses décharges de mousqueterie, entremêlées de gros coups de canon. Ce bruit, dont la direction semblait venir du nord-est et provenir d'un nuage que l'on remarquait au-dessus de l'horizon, d'une forme indéterminée et de couleur grise, durait déjà depuis quelques minutes, lorsqu'un homme travaillant dans une vigne (1) à quelque distance du village, et qui avait les yeux fixés sur ce nuage, entendant un sifflement semblable à celui d'un boulet, vit tomber à environ 400 mètres de lui un corps opaque dont s'échappa une épaisse fumée. Étant accouru, il vit un trou d'environ 0,27 m de profondeur et de 0,50 m ou 0,60 de diamètre, dans un terrain fraîchement cultivé, et tout autour, des fragments d'une pierre qui lui parut d'une nature particulière. Ayant ramassé un de ces fragments, il le trouva chaud comme s'il eût été exposé à un fort soleil ; il le rapporta au village, où bientôt ce fait s'étant répandu, d'autres habitants allèrent ramasser de ces pierres. Arrivé dans ce village le surlendemain, et m'étant fait représenter une de ces pierres, j'eus bientôt reconnu un aérolithe, ayant une pierre semblable qui m'a été, envoyée d'Allemagne, qui n'en diffère que par un grain plus fin et une texture plus compacte. M'étant fait accompagner sur le lieu de la chute par le paysan qui en avait été témoin, je recueillis tous les renseignements décrits ci-dessus, et je trouvai encore environ une soixantaine de petits fragmens, dont quelques-uns, recouverts par la terre et pénétrés d'humidité, s'écrasaient très-facilement entre les doigts. Le globe de feu qui accompagne d'ordinaire la chute des aérolithes ne fut point aperçu ici. On ne vit point de vapeurs s'échapper du nuage lors des différentes détonation ; sa hauteur ni sa forme ne purent être appréciées et décrites , parce qu'il paraît qu'il ne présenta rien de remarquable que la couleur, que différentes personnes qui l'avaient aperçue comparaient au gris foncé de la fumée de paille : ce qu'il y a de certain , c'est que le bruit cessa après la chute de ces pierres. Si l'on en croit différens rapports, il paraîtrait qu'au même moment d'autres pierres furent lancées dans différentes directions ; mais n'ayant point été retrouvées, ce fait n'a pu être suffisamment constaté : seulement un morceau assez considérable a été retrouvé sept à huit jours après dans une vigne distante d'enyiron 160 mètres du lieu où tombèrent les autres. Ayant pesé tous les morceaux qui ont été ramassés, ce poids total est de près de 4 kilog. Je ne doute point que tous ces fragmens n'aient appartenu à la même pierre; je suis même fort tenté de croire que ce que nous avons rassemblé n'était qu'un fragment d'une pierre encore plus considérable qui aura éclaté en l'air. J'en possède un morceau , pesant près de 1 kilog., qui n'est que la moitié d'un angle , d'après lequel on peut supposer la pierre d'un poids d'au moins 8 kilog. Sa pesanteur spécifique très-considérable, ainsi que cela se remarque dans toutes ces pierres, n'est cependant pas la même dans chaque fragment, dont quelques-uns semblent offrir plus de densité. On remarque aussi des différences dans la coloration de la croûte qui recouvre ces différens morceaux : d'un noir très-foncé sur les uns, elle n'est sur les autres que d'un brun marl'on; et en général, moins la couleur est noire , plus celte croûte est unie et luisante, et vice versd, au point que dans les croûtes les plus noires on remarque des éléva- tions ou soufflures, qui ont l'air d'être le produit d'une ébullition subitement interrompue. J'oubliais de vous dire que quelques personnes, tant du village de Chassigny que des lieux circonvoisins, qui étaient assises, à terre dans des lieux isolés, ont cru ressentir une secousse de tremblement de terre pendant les détonnations ; mais le paysan témoin de la chute n'a rien éprouvé de semblable. Je dois vous dire aussi qu'au fond du trou creusé par la chute de la pierre se trouvait un morceau de lave du pays, ce qui pourrait faire croire que l'aérolithe ne s'est brisé que par la rencontre d'un corps dur; mais ce qui pourrait faire croire le contraire, c'est qu'il n'était point resté d'aérolithe dans ce trou; qu'au contraire, tous les fragmens étaient dispersés tout autour à 8 ou 10 décimètres de rayon, et en si petits morceaux, que cela paraissait plutôt le produit d'une explosion que d'une brisure occasionnée par la chute ; enfin plusieurs petits morceaux étaient incrustés assez profondément dans la terre, dans le pourtour du trou. D'ailleurs, cette fumée aperçue au moment de la chute, dénote bien aussi quelque chose de plus qu'une simple fracture: seulement on est étonné qu'une explosion n'ait pas lancé plus au loin les fragmens ; car celui qui a été trouvé quelques jours après , à plus de 160 mètres de là, ne peut pas y avoir été lancé depuis la chute et par explosion, mais me semble plutôt y être tombé en même temps que celui qui s'est séparé en autant de parties."

(1) De mémoire d'homme, il s'agirait d'un nommé FROSSARD.

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